Courges : comment conserver 3 espèces différentes

Si la méthode de stockage est identique pour toutes les courges de garde, le calendrier n’est pas le même. La durée de culture diffère, mais aussi la période de récolte et la durée de conservation. Voici les gestes utiles.

J’ai cultivé cette année trois espèces de courges bien différentes : des pâtissons blancs, des potimarrons et des musquées de Provence. Il s’agit dans les trois cas de courges (du genre Cucurbita) mais les premiers sont des C. pepo, les seconds des C. maxima et les troisièmes des C. moschata. Du coup, si les grands principes de conservation restent les mêmes, les durées de culture changent d’une espèce à l’autre et par conséquent les périodes de récolte. Mais les durées de conservation, elles aussi diffèrent, ce qui permet de consommer des courges différentes entre la fin de l’automne et le milieu du printemps.

On consomme les pâtissons blancs d’août à avril
Le pâtisson blanc est une variété américaine que ne court pas. Elle ne prend pas trop de place au sol et se cultive sur cinq mois entre le semis et la récolte. Fin avril, on sème au chaud (20°C) et on repique en place au jardin à partir de la mi-mai. On peut très bien récolter les premiers pâtissons encore très jeunes soit en août. Ils ont alors un petit goût d’artichaut assez prononcé. Mais normalement, les fruits arrivent à maturité fin septembre. C’est à ce moment qu’il faut cueillir. A cette période, la température chute la nuit sous +12° C, stade à partir duquel la courge est stabilisée. Elle n’évolue plus. On a donc tout intérêt à cueillir. Les pâtissons blancs se gardent facilement entre quatre et dix mois. Toutefois, à partir de février ou mars, ils ont tendance à perdre un peu de leur saveur.

On mange des potimarrons jusqu’en février
Cette courge délicieuse (elle a un goût de châtaigne presque sucré) court sur 3 mètres environ. Il lui faut un peu de place au sol pour qu’un plant puisse donner deux à cinq fruits. On sème à la mi-avril au chaud et on repique un mois plus tard, quand la terre est vraiment réchauffée et que les nuits (et les pluies) ne sont plus trop froides. Là, pas question de récolter des potimarrons avant leur totale maturation. Il faut souvent attendre octobre pour que les feuilles et les tiges des plants soient bien sèches. C’est le signe qu’on peut alors récolter. L’idéal est de pouvoir laisser ressuyer au moins une journée au soleil avant de rentrer les fruits. La durée de conservation , deux à cinq mois, n’est pas très longue. Dans de bonnes conditions, on peut les garder, et donc consommer des potimarrons, jusqu’en février.

On savoure la musquée de Provence jusqu’en mai !
Cette variété française court sur 5 à 6 mètres et donne deux à cinq fruits par pied. La musquée de Provence a une chair sucrée, musquée bien sûr, parfumée. Mais attention, elle est un peu plus frileuse que les deux précédentes. Il faut donc la semer au chaud et bien attendre que les beaux jours soient installés pour la repiquer en terre. Dans les régions froides on peut même couvrir le sol de paille ou d’un film plastique pour réchauffer la terre. Et c’est souvent en octobre (milieu ou fin de mois) qu’on récolte les gros fruits côtelés. Normalement, ils peuvent être conservés entre quatre et neuf mois mais l’idéal est de les consommer entre novembre et fin mars. Il est donc important de vérifier la durée de conservation possible pour chaque espèce et même pour chaque variété. Mais attention, pour bien conserver, c’est-à-dire longtemps, il faut commencer par bien récolter.

Récolter les courges juste au bon moment
Le bon moment, c’est à parfaite maturité (sauf exception possible comme les pâtissons ou les courgettes meilleures très jeunes). Or, on a souvent tendance à récolter trop tôt, dès que les fruits sont volumineux et colorés. Il faut savoir attendre deux ou trois semaines et voir les plants fanés. Mais il ne faut pas attendre trop longtemps au risque d’exposer les courges aux pluies d’automne déjà froides et dans certaines régions abondantes. Il faut aussi se méfier des premières gelées blanches. Dans le Nord, le Nord-Est, l’Est, elles peuvent intervenir au cours du mois d’octobre. Ayez l’œil.

Les fruits doivent avoir leur pédoncules
Pour enlever correctement un fruit, quelle que soit sa taille et son poids, munissez-vous toujours d’un bon sécateur (ou d’un couteau pour les grosses sections) afin de couper les pédoncules. Mais attention, il faut intervenir le plus près possible de la tige pour laisser le pédoncule attaché au fruit. Il faut au moins 5 à 7 cm de pédoncule. On évite ainsi le risque d’évaporation (inévitable si on laisse une cicatrice directement sur la peau), mais également on limite les risques de pourrissement éventuel. Si vous acheter des courges dans une foire aux plantes ou sur un marché, soyez vigilant sur ce point. Même si vous conservez correctement des fruits de bonne qualité, si les pédoncules ont été enlevés, la conservation sera beaucoup plus aléatoire.

Aucune blessure ou griffure
Seconde précaution à prendre à la récolte, il faut manipuler avec soin les courges. Il ne faut pas griffer la peau. Il ne faut pas heurter le fruit ou le faire cogner contre un meuble ou au sol. Même si la peau vous semble épaisse, un rien peut la blesser. Et une simple meurtrissure  peut suffire à laisser entrer un virus et compromettre la bonne conservation du fruit.

Laisser les fruits ressuyer
Généralement, on récolte au cours d’une belle journée, le matin. On peut alors laisser au moins une journée les fruits ressuyer au soleil directement au sol. Cela permet de réduire un peu le taux d’eau dans le fruit (il est environ de 92% du poids du fruit). Cela optimise également la bonne conservation des courges. Si vous récoltez l’après-midi, remisez sous un auvent pour éviter qu’une pluie nocturne vienne contrarier vos plans. Vous laisserez ressuyer le lendemain, si possible au soleil.

Nettoyez mais ne lavez pas
Une fois ressuyés, les fruits vont être nettoyés. L’objectif est de les débarrasser de la terre qui colle encore sur leur peau. Utilisez la paume de votre main ou un chiffon sec. Surtout, ne lavez pas vos courges avec une éponge mouillée. Ce n’est pas un concours de beauté mais simplement un geste utile à la conservation. C’est souvent au cours de ces manipulations qu’on peut blesser par mégarde un fruit. Soyez attentif.

Le local doit être ni trop froid ni trop sombre
Contrairement aux légumes racines qui eux, ont besoin d’être remisés au frais dans l’obscurité, les courges préfèrent un local où la température oscille entre 14° et 18°C. Les fruits peuvent aussi très bien recevoir la lumière du jour. Un garage ou même une véranda qui ne soit pas trop chauffée font très bien l’affaire.

Un lit de paille ou un filet
Reste le rangement des fruits. Ils ne doivent surtout pas se toucher. Le contact peut rapidement se transformer en point de pourrissement. Ils doivent être posés à plat le pédoncule orienté vers le haut. Le plus simple est de les aligner sur un lit épais de paille sèche ou de fougères. D’autres préfèrent les déposer dans des cagettes légèrement surélevées (sur des briques). L’objectif est de permettre à l’air de circuler plus facilement autour des fruits. C’est vrai que c’est important pour la bonne conservation. D’ailleurs les anciens plaçaient les courges de garde dans des filets (même de grosses citrouilles) et les suspendaient à une poutre. Ils étaient certains que les fruits seraient aérés au mieux. Et accessoirement, cette méthode prend beaucoup moins de place au sol. Pratique !

Jules Bara

Pâtisson : une courge à la saveur fine et délicate

Autrefois bien présent dans les jardins potagers, ce légume ancien a fini par tomber dans l’oubli avant d’être remis au goût du jour il y a quelques années. Sa culture est pourtant des plus faciles.

Courge d’été non coureuse
Originaire du Mexique où sa culture remonte à des temps très anciens, le pâtisson (Cucurbita pepo var. ovifer), encore appelé artichaut de Jérusalem ou bonnet d’évêque, fait partie, comme les courgettes, de l’espèce Cucurbita pepo qui se rattache à la famille des Cucurbitacées. Vigoureux, il forme une touffe dressée buissonnante de 40 cm de haut. Ses grandes feuilles velues et découpées sont portées par de fortes tiges. De grandes fleurs jaunes en cornet, de sexes séparés mais portés simultanément par le même pied, apparaissent du milieu de l’été jusqu’au début de l’automne. Les fleurs mâles donnent des fruits ronds et bombés dont les bords plats sont munis de curieuses excroissances un peu bosselées. Blancs, jaunes, oranges ou verts selon les variétés, ils peuvent atteindre 25 cm de diamètre et peser jusqu’à 2,5 kg. Pour récolter dès la fin juillet, semez fin avril sous serre ou dans la maison, en godets de 10 cm, ou en godets tourbe pour éviter le stress du repiquage.

Semer au chaud ou en place
Placez 3 ou 4 graines par godet après les avoir fait tremper dans l’eau 24 heures afin de favoriser la germination. Recouvrez de terreau. Gardez humide jusqu’à la levée qui se produit en 6 ou 8 jours à une température de 18 à 20°C. Conservez uniquement les plus beaux plants au chaud et à la lumière jusqu’à la mise en place. Vous pouvez aussi semer directement en pleine terre dès le 15 mai.

Sol riche et soleil
Comme toutes les cucurbitacées, les pâtissons sont très gourmands en matière organique et ils apprécient les sols riches et fertiles, surtout en début de culture. Apportez à la plantation 3 kg de fumier ou de compost et complétez par un engrais de fond bien dosé en potasse. Plantez les pâtissons au soleil à 1 m ou 1,20 m de distance en recouvrant la motte de 2 cm de terre fine. Dès la formation des fruits, complétez éventuellement par de l’engrais (type engrais à tomate, riche en bore et magnésie, qui favorise la fructification).

Arrosages fréquents
La végétation très active du pâtisson nécessite beaucoup d’eau, notamment lors des périodes de sécheresse. Arrosez tous les 2 à 3 jours selon le climat et la nature du sol à raison de 5 litres par m2. Ne mouillez pas le feuillage pour limiter les risques de maladies comme l’oïdium et n’utilisez pas une eau trop froide, ce qui entraîne la chute ou le pourrissement des fruits. Pour réduire les arrosages et maintenir la fraîcheur du sol, paillez-les avec de la paille, des paillettes de lin, de chanvre ou même du compost demi-mûr.

Un ou deux pieds suffisent
Même si le pâtisson est un légume prodigue, il est moins prolifique que la courgette. A la différence de celle-ci, il ne s’épuise pas et ce sont en fait les premières gelées d’automne qui mettent un terme à la récolte. De fin juillet ou début août jusqu’en octobre, vous pourrez récolter de 10 à 15 pâtissons par pied. Ne laissez pas les fruits devenir trop gros, leur peau deviendrait dure et la chair perdrait un peu de sa saveur typique d’artichaut. Cueillez-les dès qu’il font 15 cm de diamètre et entreposez-les au frais où ils se conserveront 2 à 3 semaines. En fin de saison, placez une tuile ou une pierre plate sous les fruits pour les protéger de l’humidité du sol.

Les meilleures variétés
Certaines variétés peu connues sont pourtant intéressantes. ‘Croc blanc’ donne des fruits assez petits mais très savoureux. ‘Disco’, qui est précoce, produit des fruits excellents qui peuvent être confits au vinaigre quand ils sont jeunes. ‘Polo’, un pâtisson hybride produit beaucoup de fleurs femelles et donc une quantité importante de fruits à la chair fine et au goût délicat. Parmi les variétés à fruits colorés, il faut citer ‘Orange’. Ses fruits orange vif très découpés comptent parmi les meilleurs sur le plan gustatif, tout comme ceux de ‘Sunburst’, un hybride à fruits jaunes. Il existe aussi des pâtissons verts, notamment ‘Gagat’ dont les fruits presque noirs sont délicieux ou ‘Maskacik’ dont la peau verte est mouchetée de blanc. Ils peuvent se récolter dès qu’ils font 7 cm de diamètre. ‘Patty green’ enfin, est un pâtisson aux fruits verts miniatures qui sont très bons confits ou consommés entiers. Les pâtissons panachés aux fruits striés de vert et de blanc ou de vert et de jaune, offrent des fruits à la chair ferme et goûteuse.

Stéphane Jourdain